Un chantier musical et visuel radicalement modeste
Socrate, composé en 1918 d’après trois textes de Platon dans la traduction française de Victor Cousin, est l’oeuvre la plus limpide et la plus mystérieuse d’Erik Satie : une musique « blanche », dépouillée de toute volonté expressive, déroulant sur une trentaine de minutes un univers sonore minimaliste avant la lettre, d’une fascinante intégrité.En 1969, pour accompagner une chorégraphie de Merce Cunningham, John Cage compose une sorte de palimpseste musical intitulé Cheap Imitation – sorte de calque spectral de la structure du Socrate de Satie, expérience d’écoute aux confins de l’ascèse sonore…Pauvre Socrate est un projet musical, visuel et conceptuel qui propose d’entendre et voir comment la blancheur, la pauvreté, l’intégrité de la partition de Satie sont encore creusées par le compositeur américain. Avec pour contrepoint un travail sur la lumière pensé par Frédéric Tétart à partir des discours et textes de Cage, l’ambition est de réinterroger cette matière réduite à son strict minimum, en partant toujours de l’étant donné des lieux susceptibles de l’accueillir (lieux de diffusion traditionnels mais aussi programmations pluridisciplinaires, espaces d’art contemporain, lieux dits alternatifs etc.). Ce projet prend aussi son sens dans la perspective d’ateliers partagés avec les publics concernés, tels que ceux que met en oeuvre depuis plusieurs années l’ensemble Offrandes dans le cadre de partenariats ouverts à tous les horizons (éducation nationale, politique des quartiers, conservatoires de musique, écoles d’art, structures hospitalières, psychiatriques ou pénitentiaires…).En creux… les fantômes d’Erik Satie et de John Cage, mais aussi celui de Marcel Duchamp – l’éleveur de poussière qui, à Paris dans les années 20, à New York dans les années 50, a côtoyé l’un et l’autre de ces deux compositeurs, et représente aujourd’hui encore la plus radicale des remises en question de nos présupposés sur l’art.