De W. Shakespeare
Adaptation et Mise en scène Vanya Chokrollahi
Traduction Yves Bonnefoy
UN MOT
Il y a deux sources à la création de Macbeth.
L’une se situe certainement en Iran, dans le village de Tagaroud ou sur un terrain vague de Qom.
Après avoir fait la Révolution comme tous les jeunes gens de son âge, mon père quitte l’Iran pour la France. Quelques mois plus tard, la guerre éclate, Khomeini reprend les rênes du pouvoir, la répression s’ajoute à la guerre avec l’Irak et à la guerre civile… Les frères d’armes deviennent frères ennemis.
Je grandi avec ces histoires de révolution, de dictature, de rafle, d’emprisonnement, d’assassinats, de répression. A la maison passent des iraniens, des afghans, des libanais, des syriens, des palestiniens, des arméniens… Autant de récits d’exils, de passés fantasmés, enjolivés par le pinceau du souvenir, autant de présents brisés. « Avant la guerre… Avant la
révolution… Avant l’occupation… ».
Avant…
Comme un âge devenu d’or à force de se le raconter.
Puis Macbeth…
Me transperce.
Le noir partout, la cruauté par éclats. C’est la pièce la plus sombre de Shakespeare. L’auteur nous montre la tentation et l’hésitation du pire. Il nous met en garde.
Attention, cette piste descend vers l’irrémédiable !
Attention, à la chute des héros !
Mais oui… !
Macbeth et Banquo sont des héros au début, ils sont aimés, victorieux, couverts de gloire. La pièce commence dans des temps déjà troublés. Une guerre civile fait rage. La couronne est menacée, l’issue de la bataille est incertaine. Duncan
est contesté et combattu. Les généraux Macbeth et Banquo sauvent un royaume ébranlé. Ah ! Mais il fallait que la fatalité s’en mêle !
Ce qui me frappe le plus c’est l’hésitation de Macbeth, son humanité, sa trouille qui va, qui vient, qu’il surmonte… Macbeth ne porte pas de lumière, mais bien les peurs, les doutes d’un homme mortel, fait de chair, qui craint la mort, les
spectres et Dieu.
Même avec la prophétie des sorcières, même avec l’aide de l’épouse… Ce n’est pas facile… de tuer Duncan, et puis les autres, de prendre le pouvoir, de faire un coup d’Etat.
Le conteur et la troupe qui déroulent la toile de Pardeh Khani, viennent nous raconter l’histoire terrible de Macbeth pour nous faire peur, nous mettre en garde contre le pire – la dictature et le despotisme sous toutes leurs formes – et
nous rappeler que le pire est possible puisqu’il est humain… Qu’il nait de l’espoir – parfois immense, celui de tout un peuple – brisé à mesure de crimes, de liquidations, de traques ; pour devenir fièvre – cette fièvre des
révolutionnaires, des généraux, qui croyant viser un monde meilleur amènent la Terreur. Abimant tout sans possible retour… pour le pouvoir d’abord puis pour sauver leurs peaux – parce qu’à la fin il ne reste que ça : la peau tachée d’un
indélébile sang.
Vanya Chokrollahi
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