Note d’intention, SUITE 1

Lorsque Montag glisse le livre intitulé « Gaspard Hauser » dans sa sacoche pour le sauver des flammes, quelque chose comme une reconnaissance s’accomplit en moi. En fait, par un seul geste de distanciation, Truffaut nous donne à reconnaître et à éprouver la survivance d’une existence disparue, celle de Kaspar Hauser à l’aube du XIXe siècle, la brièveté de son apparition et son retour à la niche ; mais aussi le germe d’une œuvre à venir, le film l’Enfant sauvage, qu’il tournera quatre ans plus tard d’après un cas similaire (et contemporain à celui de Hauser). Dans les mains de Montag auquel je m’identifiais, j’allais aussi saisir d’un coup la secrète existence de Kaspar Hauser, la brièveté de son apparition à l’aube du XIXe siècle et son retour à la niche;  j’allai discerner Kaspar Hauser 1828-1832, mon spectacle passé.

C’est tout cela qui constituera mon prochain spectacle: (Kaspar Hauser). Je travaillerai à cette expérience esthétique de l’ex-position d’un spectacle évanoui. Ce spectacle – Vie et mort de Kaspar Hauser – je le montrerai essentiellement par un cadre – Fahrenheit 451.

Si le récit que déploie Fahrenheit 451 fait directement écho à la réalité d’un climat sécuritaire qui pourrait être le nôtre, il ne saurait être le centre des préoccupations du spectateur. Ce qui m’intéresse réside aussi dans l’espace intermédiaire aux deux récits. Aussi Fahrenheit 451 développera une atmosphère, une sorte de fond qui ne s’imposera pas comme le ferait disons une image, mais se diffusera plutôt. Il n’y aura pas d’acteur.rice.s. L’intrigue et la parole seront portées et figurées par une ouvreuse et deux agent.e.s de sécurités incendie, des non-acteurs et non-actrices opérant eux aussi depuis le bord de la représentation théâtrale. Nous avons tou.te.s sans doute déjà assisté à une représentation où, sans les voir tout à fait, nous pressentions des agent.e.s extérieur.e.s à la pièce jouée. Les présences périphériques au plateau affectent notre perception, ce sont des expériences sensibles. J’imagine qu’elles pourraient accaparer l’attention du public, presque involontairement du fait d’un micro-mouvement ou d’une interférence sur leur talkie-walkie.

L’exploration de ces situations sera passionnante dans un théâtre parce qu’elles provoqueront des zones de flottements et de troubles, des glissements entre le temps réel et le temps fictionnel à l’œuvre dans Fahrenheit 451 et Vie et mort de Kaspar Hauser. Les uniformes réels de fonction (évoquant ceux des pompiers), cohabiteront avec les costumes de scène (XIX^ème siècle) du précédent spectacle. Les lumières signalétiques et fonctionnelles de la salle de représentation seront utilisées et pensées aux côtés de sources proprement théâtrales.