» La langue de Rabelais demande peut-être en premier lieu aux comédiens et comédiennes d’être des musiciens. Il s’agit de prendre à bras le corps le rythme et la sonorité des mots. Avec un usage foisonnant des onomatopées, des interjections émotives, de longues imitations verbalement sonores, « du hourt et hennissement des chevaulx » par exemple. Cette poétique de l’oralité réclame une gourmandise de la profération… Ainsi, nous dirons le texte original, une sorte de langue étrangère qu’on parle bien, des mots au sens parfois trouble/ troublant mais au signifiant suggestif ! Des mots inconnus qu’on comprend par contexte et par mime, par l’énonciation à voix haulte (ce que fut toute lecture à l’époque), en fait par le théâtre. Texte donc comme une partition pour la bouche et le reste du corps. Nous avons peu à faire de la psychologie de l’acteur-ice, de son intériorité… Les mots seront à mettre devant soi. Il s’agira en premier du bonheur de dire.
Et puis, il faudra des cabotins et des bateleurs. C’est déjà dans l’adresse de Rabelais à ses lecteurs, buveurs qu’il les appelle. C’est par là que s’ancre l’effet du réel de Pantagruel et Co, c’est par là que s’imposera le réel du théâtre. Faudra peut-être servir un verre de bière fraîchement tiré ou de jus de la vigne (« qui clarifie l’esprit et l’entendement, apaise l’ire, chasse la tristesse et donne joie et liesse. ») »
Malte Schwind
Malte Schwind – mise en scène
Émilie Hériteau – dramaturgie
Eloïse Guérineau – jeu
Julie Cardile – jeu
Sarah Cosset – jeu
Mayeul Victor-Pujebet – jeu
La Cie En Devenir 2 émane du collectif théâtral d’En Devenir qui s’est principalement constitué autour des créations de Malte Schwind, et qui était ancrée à La Déviation, lieu de vie et de recherche artistique à Marseille. Depuis le début, la compagnie défend un théâtre où la question politique s’articule à la chose poétique. Il s’agit de travailler à partir d’auteurs comme Artaud, Hölderlin, Robert Walser, Ovide des formes scéniques qui peuvent inquiéter notre temps et la subjectivité qui le caractérise. Il n’y est moins question de problématiques sociales que d’expérimenter un chemin vers la joie et le bonheur que la société actuelle et son capitalisme nous refuse.
Avec Les métamorphoses d’Ovide, dernier chantier de la Compagnie, En Devenir 2 a réalisé sa quatrième création où la question politique est encore moins directement un contenu, mais entièrement articulée au travail du plateau et sa forme singulière à l’intérieur de la production théâtrale actuelle. Elle y poursuit la construction de la possibilité d’une fraternité quelconque à travers le rapport entre les comédiens et les spectateurs et le texte qu’ils partagent. Le théâtre que En Devenir 2 tente de fabriquer depuis ses débuts se veut une expérience singulière, impossible ailleurs, d’autre chose.
En 2023, la compagnie engage un travail sur le XVIe siècle et le rire avec notamment une nouvelle création à partir de l’œuvre de Rabelais.
En Devenir 2 défend un art exigeant pour toutes et pour tous qui s’ancre dans un territoire donné. Elle tente de construire des rapports de voisinage avec les spectatrices et spectateurs afin d’élaborer d’autres modalités de réceptions de l’art aujourd’hui.
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