Note d’intention
« J’ai toujours senti que le corps et la pensée étaient sempiternellement en devenir, en mouvement : impossible d’arrêter et de figer les choses, impossible de fixer une identité – au risque même d’un rapport douloureux- la vie étant bien plus folle, bien plus tumultueuse !
Alors que peut un corps ? Que peut un cerveau ?
Le corps en jeu – à la croisée du quotidien, du micro et du macro-politique – crée de multiples corporéités…
Mes corps de circassienne, de danseuse, de comédienne deviennent un corps-outil, voire un corps-arme, pour conjurer le corps standardisé, dévitalisé de ce début de siècle.
Je n’envisage pas la monstruosité, dans ce solo, sous l’angle du prodigieux / merveilleux, ni du spectaculaire / exhibitionniste (les spectacles de foire d’antan), ni du technologique (création de cyborg et autres hommes post-humains).
Non. Même si je vais frôler ces figures…
Primo, il s’agit plutôt de faire de ce thème une multiplicité, déjà induite dans le thème et donc à dévoiler : c’est l’immanence.
une corporéité I un texte I des accessoires I une lumière I un espace
une figure I un numéro I une situation
Deuxio, je vais plutôt également tenter de faire une « démonstration » (étymologiquement parlant) de monstres d’ordre incorporel.
Foucault : « Tout ce que nous éprouvons sur le mode de la limite ou de l’étrangeté ou de l’insupportable aura rejoint la sérénité du positif et ce qui pour nous désigne actuellement cet extérieur risque bien un jour de nous désigner. Restera seulement l’énigme de cette extériorité ».
Alors je ne sais pas si ce jour est déjà là, mais à travers ce solo, une de mes volontés est de faire sentir que la distance qui sépare les figures monstrueuses du spectateur n’est pas grande – comme on voudrait bien nous le faire croire -, pour peu qu’on veuille bien le voir…
Au long de ma pérégrination pour « Et Suzy vagabonde », j’ai débusqué des textes de catégories différentes – Soudaïeva, Luca, Hubaut, Tarkos, Novarina, et d’autres à venir, ils ont en commun de faire valser le corps, « danser l’anatomie humaine », « délirer la langue ». C’est donc le mouvement incessant de figuration / défiguration.
D’un point de vue dramaturgique, ces corps parlants et muets, en mouvement, en déshérence vont-ils se contaminer jusqu’à faire apparaître un ensemble stupéfiant, un espace anarchique ? Le monstre, en tant que figure, est-il un « chantier, une carte à construire », à expérimenter ? Ces figures monstrueuses sont-elles des phénomènes de cirque, ou autres bêtes de scène : clowns, acrobate, dresseur, équilibriste en proie aux éléments, à la matière ? Des figures mythologiques à la dent dure, finalement plus réelles qu’utopiques ? Des figures angéliques, hors-temps, cauchemardesques ?
Difformation I réification I marionnettisation I jeu I magie I délire …
Une de ces figures, en tous cas, va permettre de (dé)couvrir l’espace, comme écartelée, de décloisonner, faire relais entre les parties / figures, mettre en lumière de manière tangible l’espace composite. C’est celle d’un Monsieur Loyal, face sobre et anonyme, figure-motif, elle marche. La marche, dans les sens francique et germanique, signifient « pays frontière » et « signe marquant une frontière ».
Une de mes volontés donc est que ce signe, en fait ligne de craie sur la surface, écriture au bâton, indissociables de la lumière, soit celui du contour d’un ensemble : il réunit les figures / « dé-figures » et les espaces pour conjurer la fragmentation, la stratification et la dévitalisation (des hommes et de l’espace). »
Nadège Perriolat
coproduction cie Cox Igru (Toulouse, 31) , L’Usine (Tournefeuille, 31)
avec le soutien de MixArt Myrys (Toulouse, 31)
Cie Cox Igru
46 rue Jean Gayral 31200 Toulouse_France_06 72 94 17 96 cox.igru@yahoo.fr
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