Ne vous fai pas trop de bil avec moi toujour plin de courage.
Mets-moi un instant la main sur le front pour me donner du courage.
« Encore heureux… » est le nom d’une tentative qui pourrait déjà tenir entre ces deux phrases. L’une issue d’une lettre envoyée en 1917 par un soldat à ses proches, l’autre adressée au hasard à un(e) inconnu(e). Les temps ne sont pas à la rigolade. Et pourtant. Il se trouve qu’à La Fonderie, depuis plus de dix ans, un certain nombre de personnes viennent travailler, parfois montrer des oeuvres, et se rencontrent avec des questions qui pourraient se condenser ainsi : Comment est-il possible d’ouvrir des espaces constituants dans le monde tel qu’il est, d’habiter des lieux tels qu’ils se présentent, où des hommes et des femmes, des enfants et des vieux, des patients et impatients, oeuvrent singulièrement à quelque chose de commun, qui ne dit pas toujours son nom ?
Il nous a semblé que ce lieu, cette Fonderie, en dérogeant à l’assignation trop restreinte de « lieu culturel » par sa capacité d’accueil, pouvait modestement mettre en oeuvre ces questions dans un temps qui ne soit ni celui d’un festival ni d’une programmation… À condition d’agir avec la complicité de ceux qui les prolongent ici et là, au musée ou à l’hôpital, dans un Groupement d’Entraide Mutuel ou dans un foyer, dans un collectif de patients ou une librairie de quartier. Et qui, dans les interstices du « métier », au détour de la réalisation d’un journal ou d’un atelier, tentent de construire une attention commune, une sympathie.
C’est de cette attention commune qu’est née ce qu’il est commode d’appeler la « psychothérapie institutionnelle ». Un mouvement dont on peut situer les commencements à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban, en Lozère, lorsqu’au point de rencontre de la Résistance, de la clinique et de la poésie, mais aussi par une série de « hasards » (l’arrivée d’Eluard et de Tzara, de Tosquelles et de Bonnafé, de malades réfugiés et de médecins venus se cacher), l’hôpital se désaliénait.
Un mouvement qui a entrepris, à l’asile d’abord, de sonder pour ne pas dire soigner ces regroupements que l’on appelle « institutions », de fabriquer « des lieux réellement ouverts, ouverts sur la vie ».
Souvent une troupe, un club, un atelier ou un collectif s’ancrent sur ce même dessein. Or qu’est-ce que ces mots ont en commun ? Que nous disent-ils aujourd’hui au sein des « établissements », qu’ils soient de santé, de culture, d’accueil ou d’enseignement ?
D’une suite de rencontres est sortie au moins une idée : Essi1 nous essayions de montrer et de faire se rencontrer des expériences parfois très en marges, des pratiques parfois reconnues, des soucis habités par des points et origines communes, qu’il s’agirait de définir et parler (voire de paroler). Ces points communs, nous pourrions commencer par les nommer ainsi : l’accueil, le soin, le collectif, les lieux, le temps, au risque de l’art. Parce que nous savons qu’il existe des expériences et des pratiques qui s’acharnent à faire advenir, partant de ce qui existe, autre chose que la capitalisation du même optimisé, l’évaluation à tout va, les compressions de personnel, la contention psychique, le mépris et la violence faite aux migrants, aux chômeurs… Cette « autre chose » ne pouvant se passer de lieu.
Depuis, un collectif s’est constitué, désireux d’amorcer cette tentative : « Encore heureux… ». Parti de ce qu’il connaissait d’oeuvres, de ceux et celles qui les conçoivent, ce collectif est allé à la rencontre d’êtres vivants qui travaillent le quotidien au sein de structures diverses, qu’elles soient associatives, sociales, culturelles ou d’accueil ; afin d’envisager de mars à juillet 2013 des rendez-vous qui, ne se constituant pas que d’un programme, établiraient de possibles réciprocités voire des communautés intempestives.
[/Le collectif « Encore Heureux… » /]
1 Essi : Mot extrait du recueil « Essi et copeaux » de Fernand Deligny :
( « Et-si- » l’homme que nous sommes)
Le programme
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