Performance transdisciplinaire théâtre / cinéma
Réalisateur Léo Richard
Direction artistique Chloé Minjon-Cabresin
Chaises manquantes est une performance de « cinéma raconté ». Comme dans la pratique japonaise des benshi, c’est un dialogue entre le vu et le dit, entre le film muet projeté à l’écran, et une voix dans l’obscurité qui convoque l’invisible. Un film de 1901, La foule devant le Temple de la Musique à l’Exposition Pan-Américaine sera rejoué en boucle, examiné, suspendu, confronté à d’autres films de la même année, pour rejouer l’enquête que j’ai mené à son sujet. Je propose des hypothèses et les examine au fur et à mesure, laissant au public le temps de s’y projeter, voire d’élaborer ses hypothèses propres.
Plutôt qu’une enquête, disons que Chaises manquantes est une contre-enquête, à la manière du laboratoire Forensic Architecture, qui travaille à réfuter les conclusions d’enquêtes déjà établies. En l’occurence, l’enquête originelle date ici de plus d’un siècle. En 1901, elle a fondé la pleine responsabilité psychique de l’anarchiste Leon Czolgosz lors de son assassinat du Président des États-Unis, William McKinley. Surtout, cette enquête a donné lieu à la première théorisation d’un usage policier du Cinématographe. Le criminologue suisse Rudolf Reiss a montré comment La foule devant le Temple de la Musique, tourné au moment de l’assassinat, a enregistré la détermination froide de l’assassin et orienté vers l’identification de complices potentiels.
À partir des quelques minutes de ce films, d’une poignée d’autres films, et d’un dispositif simple de parole et de projection, Chaises manquantes transforme l’enquête en remontage temporel. On traverse l’époque des terribles Expositions Universelles ; on assiste aux différentes guerres de brevets dont Thomas Edison fût le personnage central ; on parcourt l’agitation ouvrière de cette fin de siècle et son aiguillon le plus tranchant : l’action directe anarchiste. La focalisation quasi-obsessionnelle sur ces films, répétés, arrêtés, ralentis, inspectés en tous sens, évite de se perdre pour autant dans une fresque historique. Toute une époque semble déduite de ces quelques dizaines de secondes enregistrées, que je projette en argentique, dans des conditions proches de leur première projection.
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