au Théâtre de l’échangeur à BagnoletLE DIEU BONHEUR [+ greffes]
Compagnie Les endimanchés
Textes d’Heiner Müller et Bertolt Brecht
Mise en scène, scénographie, musique Alexis Forestier
Avec Jean-François Favreau, Alexis Forestier, Barnabé Perrotey, Aude Romary, Cécile Saint-Paul
Régie son Alexis Auffray et Jean François Thomelin
Administration Céline Bouteloup
La musique qui lui convient est le cri de Marsyas qui fait sauter les cordes de la lyre sous les doigts du bourreau divin.Heiner Müller
Apparue dans un texte inachevé de Bertolt Brecht, explosée puis réanimée de ses débris par Heiner Müller, la figure du dieu bonheur est une figure hors d’âge, réveillée par un bruit inaccoutumé venant de la terre.
Échoué parmi les vivants, le Dieu bonheur découvre une terre dévastée par la guerre et la misère. Ce dieu impuissant et déboussolé, ballotté par les événements, croise des paysans, des soldats morts, des travailleurs alliénés, des mendiants, des enfants, et tous interrogent sa présence, ses vertus ou qualités. Tous n’y voient qu’une forme vide, instable, inadéquate, les obligeant à se remettre en mouvement, à transformer leur propre regard, maintenus qu’ils sont dans l’illusion que « le vieux désir pourrait à nouveau mener la danse ».
LES GREFFES
Les endimanchés adjoignent à la pièce du Dieu Bonheur, telle qu’elle a été publiée aux éditions de minuit, trois antichambres ou « chambres du temps » composées de fragments des Voyages d’un Dieu du Bonheur de Bertolt Brecht et des divers brouillons de Heiner Müller.
La langue de Müller a une santé de fer si l’on peut dire au regard de ce qu’elle a traversé de ruines, désastres, déconvenues et pour avoir été le témoin infatigable de cette catastrophe ininterrompue de l’histoire dont elle est issue. Mais elle ne cherche pas à rassembler ce qui a été démembré, elle insiste au contraire et laisse entendre cette difficulté à ré-organiser une vision du monde. Elle continue inlassablement de chercher ce que commun veut dire, ce qu’est « le nouveau pour les oreilles et les yeux » et sans aucun doute ne fréquente les ruines que « par amour des chemins qui les traversent ». Elle se maintient dans ce moment suspendu qu’est celui de l’attente de l’histoire. Elle ouvre les brèches par où l’histoire vient à la rencontre de celui qui la regarde.
Sans pour autant affirmer qu’elle soit le signe anticipatif des catastrophes à venir, elle en présuppose la venue, en est en quelque sorte un point de vigie et par là même une sorte d’injonction à maintenir notre présent sur le qui-vive… Alexis Forestier