mise en scène Martine Venturelli
Avec Juliette De Massy David Farjon Sylvain Fontimpe Francois Lanel Suzanne Llabador Riwana Mer
accompagnement a l’écriture du son au plateau Thierry Besche Martine Venturelli
Note d’intentions 1
Même si… « l’imagination qui dresse son orgie ne trouve qu’un récif aux clartés du matin », comme le dit
Baudelaire, « chaque îlot signalé par l’homme de vigie est un Eldorado promis par le Destin ».
Le titre provisoire du chantier « Engoujures et dame de nage » annonçait une circulation – « tirer des bords » –
à partir de la métaphore du phare et de son gardien. Du fond du gouffre obscur, aimanté à son oreille, autour de la sentinelle circule le son – un abyme béant, et quelquefois un cantique muet. L’oreille au guet dans un ordre machinal. Un escalier de vertige où s’abîme la lumière à travers l’espace. Le temps est impassible. Le jour décroît, la nuit augmente. Le vide, le noir, et le nu. Les œuvres des artistes dans notre nuit peuvent être
pour nous une manière d’éviter quelques naufrages, métaphore qui sera aussi exprimée…
Comment prendre des mesures non seulement à l’aune humaine et terrestre, mais donner à sentir le mystère de la dimension métaphysique et cosmique qui nous englobe, des distances entre ciel et terre, à une mesure où le temps, la finitude de toute chose et l’ironie des dieux seront pris en compte.
Des relais invisibles de courants que l’on n’entend pas, ne voit pas, mais circule une unité mouvante par saisie intuitive, par auscultation des corps, une écoute attentive des corps physiques, minéraux, bois, métal, humains.
L’écoute attentive de leurs résonances, de leurs rythmes, qui ne sont accessibles que par empathie, par saisie intuitive, et non pas par vivisection et examen minutieux des éléments disjoints des choses et des faits que
l’on peut appréhender.
Etre tout à la fois le gardien de phare, la mer, les naufragés, saisir les valeurs créatives des mirages, des perceptions ambigües, saisir que tout ce qui brille n’éclaire pas. Quelque chose entre le vu, le chu et le relevé. Le premier partenaire (notre appontage de comédien) dont il faut écouter les disponibilités, les seuils et les mesures, c’est le lieu. La spatialisation du son ne sera pas un effet de l’écriture, plaqué comme une miniature
à l’intérieur d’un lieu, mais la trace du laborintus, du travail à l’intérieur, de l’écoute sensorielle et sensuelle des matériaux et des dimensions qui le construisent. C’est, à chaque rencontre de lieu, trouver « l’accord » avec les corps, les objets. C’est la trace sensorielle de ce voyage qui se dessine et s’estompe tel le sillage du bateau dans l’eau que nous venons partager. Nous, qui ne sommes toujours pas rentrés à Ithaque, traversés par cette traversée, nous sommes à la fois les noyés, et chacun tente d’être le gardien de son phare.
Une série d’un même objet manufacturé, l’armoire – vestiaire en métal -, porteur de son histoire, de sa mémoire (elles sont souvent la marque de la frontière, car elles contiennent la singularité intime de leur utilisateur et gardent au secret lettres, photo, linge, livres,…). Elles seront les partenaires des acteurs, comme eux porteurs de sons (mémoire enregistrement). La finalité n’est pas une composition musicale à atteindre. Ce qui nous intéresse c’est que l’armoire soit l’amplification de l’implication des gestes, du poids du corps, et
donne à entendre ce corps dans le son. Ces armoires seront les partenaires des acteurs comme porteurs de lumière, et costumisées (cordes préparées, harpons-archets), pour que leurs corps de métal révèlent à l’oreille les sons qu’elles contiennent. En duo avec les acteurs, elles permettront dans un premier temps de dessiner et de révéler une exploration acoustique et des espaces scéniques en train de se construire et se défaire. Partition corps-et-graphique différente pour chaque lieu et pour chaque comédien. Tous les éléments de la mise en scène se nouent, se dénouent et se renouent. Le plateau est comme une île car lumières et sons sont
émis du plateau par les comédiens qui assurent cette autonomie du navire.
Aller à dessein de tenter de donner à sentir, à travers cette métaphore de bateau-fantôme, comment le théâtre peut embarquer des voyageurs pour une navigation à vue dans le noir. L’équipage des acteurs accordés encordés traverse les éclats et les apparitions des fantômes d’Achab, de Moby Dick, de Jonas, de Nemo, Boutès, et d’autres du voyage intérieur plus statique comme en détiennent les prisonniers politiques dans les geôles, et aussi les langues de Didier Georges Gabily, Buchner, Jean-Pierre Abraham, Blanchot, Melville, Malcolm Lowry. »
Martine Venturelli
Visiter leur site http://atelier-martineventurelli.org/
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